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Page:Brochard - Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne.djvu/48

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14 PHILOSOPHIE ANCIENNE

parties : il est essentiellement Un. Mais cette unité absolue ne paraît pas avoir empêché les Éléates de considérer l’Être comme continu, par suite, peut-être comme étendu.

Mais peut-on concevoir le continu comme indivisible, et avons-nous le droit d’attribuer une telle conception à un dialecticien tel que Zénon d’Élée ? Il serait permis d’hésiter, si nous ne trouvions une thèse toute pareille chez un autre puissant raisonneur, qui certes ne l’a pas empruntée à Zénon, mais dont la rencontre avec les Éléates n’en est que plus significative et plus instructive. Voici comment s’exprime Spinosa (Eth., part. I, pr. 15, schol.) : « Si nous considérons la quantité telle que l’imagination nous la donne, ce qui est le procédé le plus facile et le plus ordinaire, nous jugerons qu’elle est finie, divisible et composée de parties ; mais si nous la concevons à l’aide de l’entendement, si nous la considérons en tant que substance, chose très difficile à la vérité, elle nous apparaîtra, ainsi que nous l’avons assez prouvé, comme infinie, unique et indivisible. C’est ce qui sera évident pour quiconque est capable de distinguer entre l’imagination et l’entendement, surtout si l’on veut remarquer en même temps que la matière est partout la même, et qu’il n’y a en elle de distinction de parties qu’en tant qu’on la conçoit comme affectée de diverses manières, d’où il suit qu’il n’existe entre ces parties qu’une distinction modale, et non pas une distinction réelle. »