Page:Brochard - Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne.djvu/497

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

certitude ; elle est autre chose, si elle n’est pas le contraire, et elle est fort au-dessous. C’est une sorte de pis-aller dont on ne se contente qu’à regret et qui, par suite, ne mérite guère qu’on s’y arrête. L’œuvre propre du philosophe est de chercher la certitude ; c’est à elle seule qu’il a affaire. Rien de mieux, assurément, et ce n’est pas nous qui contesterons le devoir qui oblige tout philosophe à donner son adhésion à toute vérité clairement et distinctement aperçue. Nous n’avons garde de méconnaître ce qu’il y a de noble et d’élevé dans cette manière de comprendre le rôle de la philosophie ; nous savons les dangers du fidéisme ; l’idéal que tant de philosophes se sont proposé, que les plus illustres d’entre eux se proposent encore, doit être poursuivi sans relâche. Mais cette certitude si entière, si absolue, qui ne laisse place à aucun doute, le philosophe la rencontre-t-il partout ? la rencontre-t-il souvent ? N’y a-t-il pas bien des questions où, après de longues recherches, en présence de difficultés toujours renaissantes, en face des divergences qui séparent irrémédiablement les meilleurs esprits, et les plus éclairés, et les plus sincères, il est forcé de s’avouer que la vérité ne s’impose pas avec la rigueur et la nécessité d’une démonstration géométrique ? Il peut croire pourtant, et sa croyance est légitime. Nous ne savons guère de doctrine plus dangereuse, et qui fasse au scepticisme plus beau jeu, que celle qui, entre la certitude absolue et nécessaire, et l’ignorance ou le doute, ne voit de place pour aucun intermédiaire. Mais si on revendique le droit de croire rationnellement, n’a-t-on pas par là même le devoir d’examiner la nature de la croyance, de s’enquérir des motifs sur lesquels elle se fonde, de chercher comment elle se produit ? Si, comme il semble bien qu’il faut en convenir, la croyance tient, dans les systèmes de philosophie, autant de place que la certitude, pourquoi réserver toute son attention à la certitude et reléguer la croyance au second plan, comme chose secondaire ? Le temps n’est plus où les systèmes de métaphysique se présentaient comme des vérités rigoureusement déduites d’un principe évident, et prétendaient s’imposer de toutes pièces à l’esprit, comme ces démonstrations géométriques dont ils empruntaient quelquefois la forme et dont ils enviaient la rigueur incontestée. Spinoza, Leibnitz,