Page:Brochard - Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne.djvu/520

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une idée donnée, on revient à la théorie de la croyance volontaire. C’est toujours parce que, pouvant faire autrement, la volonté s’attache de préférence à une idée, c’est parce qu’elle cesse de chercher et d’évoquer des raisons possibles de douter, que la croyance se maintient. Supprimez la volonté, et il ne restera plus qu’un fantôme de croyance. Peut-on en effet donner ce nom à cette sorte d’adhésion instinctive qui s’attache à toute idée naissante, aux images du rêve et de l’hallucination, qu’aucune réflexion n’accompagne, qu’aucun doute n’a précédée, qui n’a été soumise à l’épreuve d’aucun examen attentif ? Cette sorte de croyance, si c’en est une, est du moins fort différente de celle de l’homme raisonnable qui veut savoir : c’est de celle-ci seulement qu’il s’agit. Une autre objection, plus grave peut-être, peut encore être opposée à la théorie de la croyance volontaire. Nous n’avons aucune conscience, quand nous croyons, de faire un acte de volonté ; et que serait un acte de volonté dont nous n’aurions pas conscience ? Et si nous en avons conscience à quelque degré, la croyance, ipso facto, disparaît, ou perd son caractère essentiel. Croire en effet, croire complètement du moins, et avec une entière sincérité, c’est constater ce qui est. Toute la valeur de la croyance à nos yeux vient précisément de ce qu’elle s’impose à nous, de ce que nous n’y sommes pour rien. Y mettre volontairement quelque chose de nous, nous solliciter à croire, serait une sorte de tricherie qui vicierait la croyance à sa racine ; le charme serait rompu. La croyance n’est rien, si elle [n’]est involontaire.

Il faut bien convenir que quand nous donnons notre adhésion à une vérité, nous ne croyons pas ordinairement faire acte de volonté. Toutefois, le fait que nous n’avons pas conscience d’agir volontairement, en croyant, ne prouve pas absolument que nous ne le fassions pas. Nous n’avons pas conscience non plus, quand nous percevons la couleur ou la température, de mettre en nos sensations quelque chose de nous. Et pourtant bien peu de personnes contestent aujourd’hui cette vérité, qui semble encore un paradoxe au sens commun. Ne se peut-il pas que le sujet intervienne encore d’une autre façon dans l’action de croire ? Bien plus : il y a des cas, et ici c’est au sens