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NOTICE SUR LA VIE ET LES ŒUVRES

Centenaire de l’Institut, traçait d’avance le programme qui fut à peu près complètement réalisé deux ans plus tard. Il eut la satisfaction de prendre part à cette fête. Il eût voulu seulement un peu plus de pompe et d’éclat et un plus grand concours encore de savants ou d’associés étrangers. En terminant cette brochure, il exprimait le vœu que cette réunion fût le début d’une entente entre tous les corps savants du monde civilisé. Après avoir tenté de confédérer toutes les Académies de France, il voulait confédérer toutes les Académies du monde entier. Quelle n’eût pas été sa joie s’il avait pu, quelques années plus tard, voir se réaliser ce qu’il appelait lui-même son rêve, dans les conditions mêmes qu’il avait prévues, et bien plus tôt qu’il n’avait osé l’espérer. Sans doute, l’Académie lui aurait réservé l’honneur de prendre la parole en son nom, lorsqu’elle proposa à l’Association internationale des Académies d’entreprendre une édition complète des œuvres de Leibniz. Avec quelle incomparable autorité l’historien de Descartes, au nom de l’Institut de France, n’aurait-il pas rendu témoignage à la gloire du philosophe allemand, dans la première et mémorable réunion de cette Académie universelle que tous deux avaient souhaitée, espérée, préparée ?

Francisque Bouillier mourut le 26 septembre 1899. Le philosophe ne fut pas infidèle aux convictions de toute sa vie en appelant à sa dernière heure les prières de la religion.

Sa vie a été celle d’un sage et d’un homme heureux. Il a réuni tous les biens qui ne dépendent pas de la volonté des hommes et que cependant la sagesse antique regardait comme partie intégrante du vrai Bien : la santé, l’aisance, une famille heureuse et prospère, de grands honneurs, une longue et verte vieillesse, des amis dévoués. Tout lui a souri. Dès ses premiers pas dans la carrière qu’il avait choisie, le succès est venu à lui pour ne jamais le quitter ; tous les honneurs qu’il pouvait souhaiter, il les a obtenus. Dans le tableau de sa vie heureuse, c’est à peine si l’on découvre la part d’ombre inséparable de toute condition humaine. Mais si la fortune lui a prodigué ses dons, il a su s’en rendre digne et son mérite n’a pas été au-dessous de son bonheur. Il s’est donné les vertus dont il démontrait la nécessité, et il a mieux fait que d’en écrire la théorie, il les a prêchées d’exemple. Jamais ses actions n’ont démenti ses paroles et, comme le sage antique encore, il est resté jusqu’au bout sans défaillance, tel qu’il s’était montré au début, toujours égal et fidèle à lui-même. Il a bien rempli sa tâche ; il laisse après lui une œuvre durable. Il ne faut pas être prophète dans notre pays,