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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

atteinte dans la rue de Rennes, des obus éclataient en pleine rue.

Je n’eus que le temps de me jeter à terre, le long de la façade d’un magasin pour éviter les éclats.

Les rations diminuent, on n’a plus que trente trois centigrammes de viande de cheval, os compris, pour deux personnes et pour trois jours.

7 janvier. Auteuil ne fait plus partie de Paris.

Notre bastion est très exposé, les remparts sont couverts de débris, la terre autour de nous est complètement labourée, dans les maisons du chemin de ceinture faisant face aux tranchées, aux étages supérieurs des personnes sont tuées dans leurs lits, il ne fait pas bon habiter dans les maisons riveraines des fortifications, ni à un dernier étage.

À partir du 8 janvier nous sommes bombardés dans les règles ; tout autour des fortifications, le bruit de la canonnade est terrible. On dirait un volcan faisant irruption, un cyclone, un ouragan, tout ce qu’on peut rêver de plus affreux, l’horizon est rempli de fumée ; à travers cette fumée, on voit passer des langues de feu, et des fusées, des maisons brûlent, des coups de fusil retentissent, notre bastion, le 61me, comme les autres devient intenable, malgré cela, nous résistons quelques jours encore. Il y a de la besogne aux remparts, les blessés et les morts abondent. On ne voit plus dans les rues que brancardiers et gardes nationaux se dirigeant du côté du Point du Jour. On va se rendre compte, il y a foule, on va là comme à une partie de plaisir. Les Parisiens, de quelque classe qu’ils soient,