Page:Brocher - Souvenirs d’une morte vivante, 1909.pdf/248

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
224
CINQUIÈME PARTIE

général en chef Cluseret venait de donner ordre de se hâter et de se mettre en ligne, les Versaillais recommençaient l’attaque, mais on refusa de lui obéir pour deux raisons, la première, qu’il avait trop exposé ses hommes dans la journée, ce n’était pas un combat qu’ils avaient eu à subir, mais un vrai massacre. La seconde, c’est qu’ils refusaient obéissance à un général qui se présentait en civil ; il était vêtu d’un habillement gris foncé et d’un chapeau mou ; à cette objection, il ouvrit son vêtement, fit voir son écharpe et sa carte de général. Il lui fut répondu que tous ici étaient à découvert, que la vie des hommes était tout aussi sacrée que celle de leurs chefs, qu’un général en chef devait être dans les mêmes conditions qu’eux. On avait assez eu à se plaindre dans cette triste journée.

Le général Cluseret quitta Issy, il fut remplacé par le général La Cécilia. En réalité, nous n’avions pas de généraux au moment de la reprise des hostilités. L’un était parti, l’autre n’était pas encore arrivé.

On sonna le clairon, tous les fragments de bataillons se réunissaient, les nôtres avaient maintenant ce qui leur fallait pour être en état de défense. Nous étions tous en rang dans la rue ; ma mère n’ayant pas voulu partir, s’était faufilée près de moi, elle ne voulait pas me quitter, mais à l’inspection, un officier s’aperçut de sa présence, l’obligea de sortir des rangs, je la suivis, le capitaine Letoux et notre commandant la conduisirent d’autorité à l’ambulance où étaient nos blessés, ils la recommandèrent. Ils voulurent que les religieuses répondissent de sa vie, le cas échéant ; nous