Page:Brocher - Souvenirs d’une morte vivante, 1909.pdf/285

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
261
SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

concierge du quartier de bien vouloir nous faire une bonne soupe au fromage ; elle accepta, ce fut la dernière soupe que nous devions manger ensemble. J’ai donné 3 francs à la concierge, elle était contente et nous aussi.

Les camarades nous apprennent qu’une heure avant leur arrivée à la rue Haxo, les otages avaient été fusillés, ils nous disent que les corps ont été relevés et déposés dans une salle du Rez-de-chaussée.

Lorsque nous parlions une fusillade des plus nourries nous assaille, une panique se produit, la foule arrive en criant : « Belleville est en partie pris, la mairie est abandonnée, il y a des morts et des blessés plein les rues, on tire sur nous de tous les côtés ; les fédérés et les volontaires se battent comme des lions.

Notre drapeau en tête, nous nous groupons pour le combat suprême, il y avait des épaves de tous les bataillons et quelques membres de la Commune que je ne connaissais pas alors.

Nous voulions faire une résistance à outrance et nous faire tuer jusqu’au dernier, lorsqu’un incident fatal mit tout en déroute. Une quantité assez notable de soldats vinrent pour s’unir à nous ; le peuple naïvement crut à cette histoire ; momentanément il abandonna la lutte et déposa ses fusils pour fraterniser avec les nouveaux venus. Les effusions de tendresse et de sympathie étaient touchantes, les combattants et les troupiers s’embrassaient et pleuraient de joie.

Hélas ! c’était tout simplement les soldats qui avaient voulu rester neutres entre Paris et Versailles ; ils