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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

les cinq premières balles, ses glorieuses blessures ranimaient notre courage. Je me souvins de nos luttes, Neuilly, Issy, La Muette, Passy, puis enfin dans Paris lorsqu’il me fut confié par les camarades. À la Bastille comme nous l’avons défendu notre cher drapeau ! puis dans notre parcours, jusqu’à la rue Haxo. Que de héros morts en le contemplant. Maintenant, c’est moi qui dois le brûler ! De tout un bataillon, nous restions deux pour accomplir ce sacrifice. Ironie du sort, un Breton et moi ; puis notre bon vieux qui nous aida. Même pour l’anéantir, il nous fallait être prudent pour ne pas éveiller des soupçons.

Marie Desrue, (c’était le nom de notre Breton) sortit pieds nus, alla creuser un trou profond dans le jardin pour enfouir mon poignard. Lorsque je déposai notre cher drapeau entre les mains de notre vieil ami, il me semblait que j’allais brûler tous nos amis morts sous son égide. Lorsque tout fut fini, nous fîmes nos adieux au pauvre vieux, en le remerciant de toutes ses bontés. Qu’est-il devenu ?

Notre drapeau renaîtra de ses cendres, alors l’idée renouvelée et plus vivace que jamais, mieux comprise, aidera la marche du progrès vers un avenir social, meilleur et plus humain.

Lorsque je fus sortie, je me rendis rue de la Verrerie chez la personne qui m’avait prêté des vêtements. Elle fut surprise et contente de me revoir, ayant de bonnes nouvelles à m’apprendre. Un de nos amis, ignorant absolument si nous nous étions mêlés aux évènements était allé pour savoir ce que nous étions devenus au