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SIXIÈME PARTIE

Chère mère et chère sœur,

Je viens de subir un premier interrogatoire qui ne m’inspire rien de bon. On me dit qu’il est probable que je serai condamné à 10 ans de prison.

Plusieurs de notre bataillon qui ont été pris les armes à la main ont été acquittés. Comme moi ils avaient déjà fait dix mois de ponton. (C’était assez.)

Ils sont plus sévères pour les anciens militaires, nous disent-ils. « Un ancien garde impérial qui avait la médaille de Crimée et d’Italie, avec vos campagnes de la Loire ; qu’aviez vous à faire dans cette galère ? vous avez déshonoré le drapeau de la France, etc. »

Le 14 février dans la soirée, M. Noël reçut la lettre suivante :

St Germain en Laye, 14 février 1872.
À la Vénerie.

Monsieur,

Deux heures sonnent, je sors du conseil de guerre. Je suis condamné à deux ans de prison. Prenez patience, car je prends ma détention en bon courage.

Je vous prie de venir me voir sans faute demain jeudi, j’ai absolument besoin de vous voir, je compte sur vous.

Je vous remercie du certificat que vous m’avez envoyé, il m’a été d’une grande utilité.

Votre serviteur.
C. J. R.

Nous étions très affligés de cette nouvelle. Le jeudi, M. Noël est allé à St-Germain, selon le désir de mon mari, qui lui donna quelques détails sur le jugement et la condamnation qui venait de le frapper. Tout le jugement était dirigé contre moi, ils ont rendu mon mari responsable de mes actes devant la loi. Les deux témoins à charge étaient M. Astier et le garçon de café, duquel j’ai déjà parlé. Ce dernier ne reconnaissait même pas mon mari lorsqu’il fut devant lui. M. Astier