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SECONDE PARTIE

un ciel sans étoiles, nous nous rendîmes à 10 heures du soir à la gare, pour faire nos adieux à mon cher maître. Ce départ était navrant. En 48 heures il avait vieilli de dix ans. Je me souviens encore de ce triste moment et de cette cruelle séparation. Lui se cachait derrière un pillier de la gare pour nous dérober ses larmes.

« Adieu, chers amis, nous dit-il, nous ne nous reverrons jamais. »

Il m’embrassa bien fort en me disant : « Chère petite, tu ne seras plus heureuse maintenant, chez vous aussi le foyer est brisé. Sois bonne avec ta mère. Dans quelques heures j’embrasserai ton père pour vous deux. »

Tous, nous pleurions. Le sifflet aigu de la locomotive vint hâter la cruelle séparation. Nous restâmes quelques instants encore, jusqu’à ce que dans le lointain nous eûmes vu disparaître le train se dirigeant sur Paris.

M. Texier était un doux, aux idées généreuses et larges, apôtre de l’instruction intégrale au même degré pour tous. À cette seule condition la République serait bienfaisante et durable, disait-il. Il fut exilé, parce qu’il était un honnête homme.

Naturellement, à Bruxelles, il alla chez mon père qui le reçut jusqu’à ce qu’il pusse s’organiser en Belgique.

Je suis restée quelques semaines encore à la pension, jusqu’à ce que Mlle Texier eut fini de régler la situation, après, elle et son frère sont partis pour retrouver leur famille.

Des amis de Paris étaient venus nous tranquilliser