Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/116

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délicatesse à toute épreuve, résolu, intrépide ; dans les relations de famille et de société, réservé, silencieux, un peu morose, mais plein de grâce et de charme pour ceux qu’il aimait et en qui il plaçait sa confiance.

Tel que je le dépeins et qu’il restera dans ma mémoire tant que je vivrai, il éprouvait une extrême répugnance à s’engager au service du gouvernement impérial. Ce n’était pas que, en son cœur, il en préférât un autre ; ses spéculations politiques ne s’arrêtaient pas à telle ou telle forme d’organisation tangible et durable. Renouveler la société avant de penser à la gouverner, tel était l’objet de ses vœux. Mais il n’aimait pas l’empereur, et il détestait le pouvoir absolu. Pressé, néanmoins, par ses amis et par sa famille, il consentit à la proposition qui lui était faite, mais en avertissant ceux qui le pressaient que leur prudence n’y gagnerait rien, que le divorce pour incompatibilité d’humeur ne se ferait pas attendre, et que la persécution qui le suivait ne se ferait pas attendre non plus.

Il fut préfet d’Anvers environ trois ans.

Son administration active, éclairée, vigilante, lui fit grand honneur ; il était craint, respecté,