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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/233

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Mais, tout en n’attendant rien de la négociation qu’il poursuivait, l’empereur, selon sa nature, ne s’y portait pas moins tout entier, et il y portait son ardeur, son autorité, son impatience il y avait, comme en tout, le diable au corps ; instances, promesses, menaces, il n’y épargnait rien, au risque même de précipiter le dénouement. Qui sait, d’ailleurs, ce qu’un accès de faiblesse ou d’ambition pouvait obtenir de l’Autriche ? Pour un gros joueur, la moindre carte est peut-être grosse du gros lot.

De son côté, M. de Narbonne voyait clair dans les intentions de l’empereur sans en avoir reçu la confidence ; il voyait clair dans la position réelle de l’Autriche ; aider la France à écraser la Russie, à détruire ce qui restait de la Prusse, c’eût été de sa part un suicide. Il voyait clair enfin dans la tendance et le résultat définitif de la négociation ; presser l’Autriche d’intervenir, sous couleur de médiation, c’était l’autoriser à lever jusqu’à son dernier homme, à engager son dernier écu ; c’était la rendre arbitre des conditions de la paix mais, d’une part, ses instructions étaient précises et pressantes il ne pouvait ni les négliger ni les éluder ; tout au contraire, il recevait à chaque courrier un