Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/259

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compris du tout ; est-ce encore là la philosophie allemande ?

Je répondis modestement à cet appel ; j’expliquai du mieux que je pus les données générales qui servent de base à la philosophie de Kant, les objections qu’elle avait rencontrées, les transformations qu’elle avait subies entre les mains de Fichte, et je me fis ainsi quelque honneur à très peu de frais. Il va sans dire que tout ce que j’expliquais fut trouvé fort absurde, et, pour mon compte, je n’étais pas loin d’en juger ainsi.

Nos dîners se terminaient, d’ordinaire, par quelques commentaires sur les nouvelles du jour. Tous les convives, moi excepté, étaient effrayés de l’approche d’une contre-révolution ; c’étaient des hommes de 1789, subjugués sans être convertis par le régime impérial ; ils redoutaient le retour des Bourbons plus que toute chose ; quant à moi, je n’y pensais pas assez pour m’en préoccuper dans un sens favorable ou contraire.

L’empereur, vaincu et fugitif, revint à Paris le 7 novembre, et reçut aux, Tuileries, le 14, tous les corps constitués. Il avait perdu, pour la seconde fois, depuis un an, une armée de 500 000 hommes ; il s’agissait, pour lui, d’en former une troisième.