Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/275

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digne, compensa jusqu’à un certain point le regret qu’inspiraient aux gens sensés la Charte octroyée, les dix-neuf années de notre règne, le discours hétéroclite du chancelier Dambray, et l’élimination d’un certain nombre de sénateurs auxquels le public ne prenait, d’ailleurs, qu’un médiocre intérêt.

Je me trouvai donc transporté tout à coup, et par le simple cours des événements, au premier rang dans la société et dans l’État. Je ne l’avais point mérité par mes services, je ne m’en étais point rendu indigne par mes sentiments, mon langage et ma conduite. Il ne me restait qu’à bien user de cette fortune inattendue.

J’avais vingt-neuf ans.

Je disposais librement depuis dix ans de mon temps et de mon modeste patrimoine. L’emploi que j’avais fait de l’un et de l’autre n’était point de nature à me rendre difficile un établissement convenable. De ces dix ans, j’avais passé la moitié à Paris, dans ce qu’on nomme le monde, l’autre moitié à l’étranger et dans les affaires. J’avais acquis quelque expérience des hommes et des choses, et le cours de mes études m’avait préparé à la vie publique, autant, au moins, que la plupart de mes contemporains.