Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/292

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sincère, mais ardent et déclamateur, comme l’étaient tous les républicains de cette époque, née d’un père à qui l’on ne pouvait reprocher aucun acte criminel, mais dont on pouvait citer de regrettables paroles, elle devait son tabouret à la cour à son mariage, et son mariage au hasard de l’émigration ; c’était une grande gêne pour elle dans le coup de feu de la Restauration ; aussi son attitude dans le grand monde était-elle un compromis perpétuel entre l’orgueil du rang, et la piété filiale. Douée d’un cœur sensible, elle vivait dans une méfiance, par malheur, trop bien fondée de ses agréments personnels. D’un esprit délicat et cultivé, elle recherchait et redoutait également la société des gens de lettres, toujours inquiète que l’affabilité n’autorisât la familiarité.

M. de Chateaubriand, gentilhomme breton comme M. de Kersaint, libéral autant que lui, sinon comme lui, triomphant aux Tuileries, restaurateur, et le premier des écrivains de son temps, fort occupé de madame de Duras, devait naturellement tenir le premier rang dans sa société. Il réunissait toutes les conditions pour devenir l’idéal de la maîtresse du logis, dont l’admiration déjà prononcée datait d’ailleurs d’assez loin. Je me