Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/322

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tant, et les cris forcenés qu’on leur faisait pousser à commandement gâtaient l’impression sans la détruire.

Le discours de l’empereur eut de l’élévation, sans doute, de l’éclat, de la grandeur ; mais il sentait encore beaucoup trop le héros de théâtre, le parvenu à la gloire. Qu’avait-il besoin de se hisser sur des tréteaux pour parler de haut, et d’ouvrir une grande bouche, en rappelant de grandes choses ? Était-ce bien le moment d’ailleurs, lorsque la France, réduite par une première invasion à ses anciennes limites, se débattait sous le coup d’une autre et n’y semblait pouvoir échapper que par miracle ? Combien n’avait pas été plus digne d’admiration et de respect ce simple mot de Guillaume III, coupant les digues de la Hollande, en face des armées de Louis XIV, en face de Turenne, de Condé, de Vauban, et répondant à ceux qui se raillaient de ses préparatifs :

On peut toujours mourir dans le dernier fossé.

Guillaume III n’a conquis ni l’Italie ni l’Égypte ; il n’a gagné ni la bataille de Marengo ni celle d’Austerlitz ; mais il n’a pas livré deux fois son pays à l’étranger ; il n’a pas, trois fois en deux ans,