Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/343

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au moins, le sort étant aveugle est impartial.

Je le répète, cet ordre d’idées me paraît vrai encore aujourd’hui ; mais le moyen de le faire accueillir ou simplement comprendre par une Assemblée tout animée de passions et de ressentiments ? Je ne parvins pas même à le faire approuver par mes interlocuteurs bénévoles.

Nous nous séparâmes, en restant chacun de notre avis, mais, dès le lendemain, le chancelier sembla prendre à tâche de me placer nez à nez, pour ainsi dire, en face de ma propre sottise.

Au lieu de poser la question comme il est de règle, c’est-à-dire complexe, embrassant d’ensemble le fait et le droit, au lieu de dire : « Le maréchal est-il coupable de haute trahison ? » le chancelier décomposa l’accusation ; il posa d’abord la question de fait :

– Le maréchal a-t-il lu aux troupes la proclamation ci-jointe ?

À quoi force était bien de répondre oui, puisque le maréchal en convenait ; puis il posa la question de droit :

– Ce faisant, le maréchal a-t-il commis le crime de haute trahison ?

La question n’était embarrassante que pour moi.