Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/36

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qu’on a depuis nommé la société du Directoire. Madame de Staël et madame de Valence, fille de madame de Genlis, en faisaient partie, et c’était par elles que cette société nouvelle pénétrait dans notre intérieur.

Pour donner quelque idée de l’état des mœurs à cette époque, il suffirait de rappeler que, parmi les hommes qui figuraient avec le plus de succès dans le grand monde d’alors, se trouvait un Suédois, le comte de Ribbing, dont le principal, ou, pour mieux dire, l’unique mérite était d’avoir ouvertement concouru à l’assassinat du roi de Suède. Il était exilé par cet unique motif ; mais, dans un pays comme la France, où le gouvernement était exclusivement exercé par des régicides, et où les plus honnêtes gens, voire même les victimes de la Terreur, vivaient familièrement avec eux, l’assassin du roi de Suède pouvait très bien être accueilli, fêté, considéré.

Ceci m’est bien souvent revenu à la mémoire, en 1848, lorsque les meilleurs amis du général Cavaignac s’efforçaient en vain, au nom de son plus pressant intérêt, d’obtenir de lui qu’il qualifiât d’assassins les scélérats qui avaient tiré sur le roi Louis-Philippe.