Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/382

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tientant ; mais, dès qu’il se lançait sur des sujets de pure spiritualité, il était impossible de ne pas admirer (le mot n’est pas trop fort) la profondeur et la délicatesse de ses idées, la finesse et la justesse de ses observations, les ressources infinies, les merveilleux expédients d’une dialectique qui, tantôt s’enfonçait dans un dédale de subtilités ardues, sans s’y égarer, tantôt s’élevait à l’éloquence, et n’aurait pas été désavouée par les maîtres de la chaire. J’en puis librement parler. Je n’ai point goût au mysticisme : la vie contemplative n’a jamais eu pour moi de l’attrait. L’état d’oraison, poussé jusqu’au ravissement, jusqu’à l’extase m’a toujours paru suspect, et le dogme du pur amour, exprimé dans le langage des passions humaines, m’a toujours paru, même dans les incomparables écrits de Fénelon sur le quiétisme, même dans les lettres de direction de Bossuet, une sorte de profanation. Mais on peut comprendre les sentiments qu’on n’éprouve pas ; on peut reconnaître ce qu’il y a, au fond de grandeur et de vérité, dans la doctrine du détachement complet, dans l’élan continu vers la perfection, et, sur ces deux points, les arguments du dernier disciple, peut-être, de madame Guyon et d’Antoinette