Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/41

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inhabitable, à ce point qu’il n’y restait plus même de croisées, et tout au plus des volets, j’allai loger chez le notaire du bourg, M. Auzoux, qui m’y avait invité avec autant de bienveillance que d’empressement. C’était du reste à qui me ferait fête, c’était à qui s’en ferait honneur ; c’était à qui me raconterait les prouesses révolutionnaires dont notre pauvre manoir avait, naguère, été le théâtre ; comment on avait enlevé, en triomphe, pour en faire des gros sous, les canons qui décoraient la terrasse, ces canons que mon grand-père avait lui-même enlevés à l’ennemi ; comment la bibliothèque qui, d’ailleurs, n’était ni riche ni rare, avait été empilée, pêle-mêle dans des malles, et transportée, en pompe, dans les greniers de l’hôtel de ville de Bernay, où, si je suis bien informé, ce qu’en ont laissé subsister les vers et les souris se retrouve encore précisément au même état ; comment celui-ci avait fait ceci ; et celui-là cela ; comment enfin l’intendant, M. Mérimée, avait été réduit à se sauver par la fenêtre, en livrant au pillage les papiers terriers du domaine, accident de métier, en temps de révolution, et que j’ai presque vu se reproduire en 1848. Vanité des choses humaines ! Le nom de Mérimée s’est acquis depuis