Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/49

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sans scrupule le gouvernement consulaire, les emprisonnements arbitraires, les suppressions de journaux, les déportations, pêle-mêle, tantôt les jacobins payant pour les chouans, et tantôt les chouans pour les jacobins, n’excitaient pas, non plus, chez les plus honnêtes gens, une bien vive indignation. La société qui se reformait comme à vue d’œil, sous une main puissante, et, tout compte fait, réparatrice, n’y regardait pas de si près. Les exilés de toute époque et de toute opinion rentraient en foule, recouvraient une partie de leurs biens, sollicitaient pour le reste, et ne contestaient pas grand’chose au pouvoir qui le leur laissait espérer. Les révolutionnaires convertis ou soi-disant tels, qui mettaient dans leur poche leur bonnet rouge, en attendant qu’ils le découpassent en cordons rouges et en talons rouges, comme le figurait ingénieusement une caricature anglaise de cette époque, n’étaient pas à cela près d’un acte de violence de plus ou de moins. Les amis de la liberté, de la vraie liberté, les héritiers de 1789, innocents de tous les crimes commis par l’Assemblée législative et par la Convention, s’étaient malheureusement divisés au 18 fructidor. Les uns, par un ressentiment très légitime à coup sûr, mais im-