Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

raisonnable, j’en conviens, mais que je n’ai jamais pu surmonter entièrement. En revanche, je prenais vivement part au succès de nos armes. Nos revers, durant la campagne de l’an vii, m’avaient causé un profond chagrin ; ce fut ma première préoccupation patriotique ; les victoires d’Hohenlinden et de Marengo me ravissaient d’enthousiasme. Enfin, je prenais, s’il se peut, un intérêt plus vif encore, bien que réservé et silencieux, aux querelles littéraires dont on voyait poindre l’aurore, et dont la politique aiguisait en quelque sorte l’activité. Delphine et Atala paraissaient presque en même temps, et ces deux brillants ouvrages, conçus sous des inspirations presque opposées, étaient, dans le salon de ma mère, le sujet d’interminables conversations. Madame de Staël en était l’âme. Je ne me rappelle pas avoir vu M. de Chateaubriand chez ma mère ; mais plusieurs des coryphées de cette coterie, dont il était déjà le chef, ou plutôt l’idole, entre autres madame de Beaumont, y venaient assez fréquemment.

Je ne sais pas trop si ce fut dans l’été qui précéda ou dans celui qui suivit le 3 nivôse que je fis, avec mon précepteur, un voyage dans la Vendée et dans la Bretagne.