Page:Broglie - Souvenirs, 1830-1832.djvu/151

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nous du tout au tout ; les ressorts de la légalité avaient été successivement épuisés, de notre part, et définitivement faussés par l’oppresseur.

Mais restait la dernière condition.

Celle-là aussi se présentait assez bien ; tout nous avait réussi. Un gouvernement honnête et sensé avait recueilli, presque du soir au lendemain, le fruit de la victoire. Point de violence personnelle, point de spoliation, point de sang versé hormis en guerre et sur le champ de bataille. Restait à savoir si la victoire elle-même se montrerait généreuse autant que modérée ; si ce gouvernement honnête et sensé suffirait à sa tâche ; s’il ne se laisserait point dominer par des idées de ressentiment et de représailles ; s’il ne se laisserait point entraîner par cette tourbe de brouillons et de braillards que toute révolution fait, en quelque sorte, sortir de terre et déchaîne à ses trousses.

Quant au gouvernement lui-même, il n’y avait point d’appréhension à concevoir.

Si les grands coupables devaient être punis, et même sévèrement pour l’exemple, ni la stricte justice ni l’intérêt social ne réclamant leur tête, le roi était fermement résolu à tout risquer pour les protéger. De même ses ministres anciens et