Page:Broglie - Souvenirs, 1830-1832.djvu/153

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braillards poussaient au pire en l’étourdissant de leurs vociférations sanguinaires. Or, il ne faut pas l’oublier, à cette époque la garde nationale, c’était Paris, Paris tout entier ; licenciée par M. de Villèle, reformée par instinct, au bruit du canon, grossie des faubourgs, de la population ouvrière, d’une nuée de volontaires et d’aventuriers qu’alléchait l’odeur de la poudre, c’était la garde nationale qui avait porté le poids des trois jours et la chaleur du feu de file, vaincu l’armée de Charles X, maintenu l’ordre dans la cité c’était la seule force armée dont le gouvernement pût réellement disposer ; il ne fallait pas compter sur la troupe, dispersée dans ses casernes, humiliée de sa défaite, flottante dans son allégeance. Si la garde nationale venait à se diviser le jour du procès, aux portes mêmes du tribunal, qu’arriverait-il ? Était-il bien sûr que la majorité saine et sensée consentît à tirer sur ses propres frères, pour arracher des hommes, ses ennemis de la veille, au sort qu’ils avaient peut-être mérité ?

L’ébranlement des esprits devint, tel dans les deux ou trois derniers jours, qu’il monta rapidement de bas en haut, qu’on parla plus ou moins de compromis, qu’il fut question de faire de M. de Po-