Aller au contenu

Page:Brontë - Jane Eyre, II.djvu/233

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Rivers vous enseignait l’hindoustani ?

— Oui, monsieur.

— Et à ses sœurs aussi ?

— Non.

— Seulement à vous ?

— Seulement à moi.

— Le lui aviez-vous demandé ?

— Non.

— C’était lui qui le désirait ?

— Oui. »

M. Rochester s’arrêta de nouveau.

« Pourquoi le désirait-il ? À quoi pouvait vous servir l’hindoustani ?

— Il voulait m’emmener avec lui aux Indes.

— Ah ! je devine, maintenant ; il voulait vous épouser.

— Il m’a demandé, en effet, de devenir sa femme.

— Ce n’est pas vrai ; c’est un conte impudent que vous inventez pour me contrarier.

— Je vous demande pardon, c’est la vérité ; il me l’a demandé plus d’une fois, et vous-même vous n’auriez jamais pu y mettre plus de persévérance que lui.

— Mademoiselle Eyre, je vous ai dit que vous pouviez me quitter. Combien de fois faudra-t-il répéter la même chose ? Pourquoi cet entêtement à rester perchée sur mes genoux, quand je vous dis de vous en aller ?

— Parce que j’y suis bien.

— Non, Jane, vous n’êtes pas bien ici, car votre cœur n’est pas avec moi. Il est près de votre cousin Saint-John. Oh ! jusqu’à ce moment je croyais que ma petite Jane était toute à moi. Même lorsqu’elle m’abandonna, je croyais qu’elle m’aimait encore. C’était ma seule joie au milieu de mes grandes douleurs. Quoique nous ayons été longtemps loin l’un de l’autre, quoique j’aie versé d’abondantes larmes sur notre séparation, en pleurant ma Jane, je n’ai jamais eu la pensée qu’elle pût en aimer un autre. Mais il est inutile de s’affliger. Jane, laissez-moi ; épousez Rivers.

— Alors, monsieur, repoussez-moi loin de vous, car je ne vous quitterai pas librement.

— Jane, j’aime toujours votre voix ; elle ranime mon espoir, car elle semble annoncer la fidélité. Quand je l’entends, elle me reporte au passé, et j’oublie que vous avez formé des liens nouveaux ; mais je ne suis pas un fou. Partez, Jane.

— Pour aller où, monsieur ?