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Page:Brontë - Le Professeur.djvu/164

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quelque chose, et ce ne fut pas bien long, j’achetai des livres et je suivis les cours dont je vous parlais tout à l’heure. Quand je saurai bien l’anglais, j’essayerai d’entrer dans une famille comme institutrice, ou dans une pension comme sous-maîtresse ; mais ce sera difficile : les personnes qui sauront que j’ai raccommodé de la dentelle me mépriseront comme le font ici les élèves ; N’importe, j’ai mon projet.

— Quel est-il ?

— J’irai en Angleterre et j’y donnerai des leçons de français. »

Elle proféra ces paroles avec enthousiasme, et prononça le mot Angleterre comme un Israélite du temps de Moïse aurait dit Chanaan.

« Vous avez donc bien envie d’aller en Angleterre ? »

Ici la maîtresse de pension interposa sa voix :

« Mademoiselle Henri, dit tout à coup Zoraïde, il va pleuvoir, et vous feriez bien, chère amie, de retourner chez vous sans plus tarder. »

La jeune fille ne répondit point à cet avis officieux ; mais elle recueillit ses livres en toute hâte, me fit une profonde révérence et partit sans avoir pu complètement réussir, malgré tous ses efforts, à s’incliner devant la maîtresse de pension.

Quiconque possède un grain de persévérance ou d’entêtement s’irrite des obstacles qu’on lui oppose, et n’en devient que plus ardent à poursuivre l’objet de ses désirs. Mlle Reuter aurait mieux fait de s’épargner la peine de nous annoncer la pluie (prédiction qui, par parenthèse, ne se réalisa pas) ; car ce fut un motif de plus pour que je revinsse le lendemain au pupitre de Mlle Henri.

« Quelle idée vous faites-vous de l’Angleterre, lui demandai-je, et pourquoi avez-vous envie d’y aller ? »

Accoutumée depuis quelque temps à la brusquerie de