Page:Brontë - Le Professeur.djvu/223

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de granit dont il est environné ; mais il y a des fissures aux murailles les plus épaisses ; une lueur douteuse, un rayon froid et pâle, mais cependant un rayon, finit par éclairer l’étroite issue que la conscience m’avait promise ; certains faits oubliés me revenaient à la mémoire, et me disaient d’espérer de rencontrer un appui.

Quelque trois mois avant l’époque, où nous étions alors, M. Pelet avait, à l’occasion de sa fête, conduit tous ses élèves à un lieu de plaisir des environs de Bruxelles, dont j’ai oublié le nom, et où il y a de petits lacs ou plutôt des étangs, où les canotiers du pays vont s’amuser le dimanche. Lorsque les enfants eurent mangé un nombre infini de gaufres et bu à satiété de la bière de Louvain, sous les ombrages d’un jardin disposé tout exprès pour ces sortes de goinfreries, ils demandèrent au principal la permission de faire une promenade en bateau ; six des plus grands l’obtinrent, et je fus prié de les accompagner en qualité de surveillant. Il se trouvait parmi eux un certain Jean-Baptiste Vandenhuten, jeune Flamand d’un grand poids, qui, malgré sa petite taille, possédait à l’âge de seize ans une largeur et une épaisseur de corps véritablement nationales. Ce fut lui qui, par hasard, sauta le premier dans le bateau ; il fit un faux pas, roula d’un côté, fit chavirer la barque, enfonça comme du plomb, reparut à la surface et disparut de nouveau. J’ôtai immédiatement mon habit et mon gilet, et je me précipitai à la recherche du pauvre Jean-Baptiste, ce qui était de ma part l’action la plus facile et la plus naturelle ; ce n’était pas pour rien que j’étais allé à Eton, où j’avais nagé et ramé pendant dix ans. Les élèves et les bateliers poussaient des cris lamentables, croyant avoir à déplorer deux décès au lieu d’un ; mais, la troisième fois que Jean-Baptiste reparut sur l’eau, je le saisis par le bras, et, trois minutes après, nous étions tous les deux sains