Page:Brontë - Le Professeur.djvu/290

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Une demi-heure après, lorsqu’elle se fut calmée, je lui demandai ce qu’était devenue l’ardeur qui l’avait transformée quelques instants auparavant, qui avait donné tant d’éclat à ses yeux, tant de puissance à l’impulsion qui l’avait fait tomber, sur mon cœur.

« Je ne sais pas, répondit-elle en souriant et les paupières baissées ; tout ce que je puis dire, c’est qu’elle reviendra chaque fois qu’on aura besoin d’elle. »

Arrivons à la fin de la dixième année, époque à laquelle nous étions parvenus au but que nous voulions atteindre. Trois causes avaient amené ce résultat plus rapidement qu’on n’aurait osé l’espérer : la persévérance de nos efforts, l’absence de tout obstacle et le bon emploi de nos fonds, qui se trouvèrent placés avantageusement, grâce aux excellents conseils de MM. Vandenhuten en Belgique et Hunsden en Angleterre. Je n’ai pas besoin de dire à quel chiffre se montaient nos revenus ; les deux amis à qui nous devions l’heureux placement de nos épargnes en eurent seuls connaissance ; il suffit au lecteur de savoir que, relativement à la modération de nos désirs et à la simplicité de nos habitudes, nous avions de quoi vivre dans l’aisance, et qu’en appliquant à nos affaires l’ordre que nous avions toujours eu, il nous resterait le moyen de seconder la philanthropie dans ses œuvres et de soulager la misère que nous verrions auprès de nous.

Frances allait donc enfin réaliser son rêve ; nous partîmes pour l’Angleterre, où nous arrivâmes sans encombre. Après avoir parcouru les Iles Britanniques dans tous les sens, nous passâmes l’hiver à Londres, agitant la question de savoir où nous fixerions notre résidence ; mon cœur soupirait après mon comté natal, et c’est là que nous demeurons aujourd’hui. Notre maison, où j’écris ces lignes, commodément installé dans la bibliothèque, est située dans une région soli-