Page:Brontë - Le Professeur.djvu/293

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perce-oreilles cachés parmi les roses ; abominables insectes qui, affirmait-il, nous auraient envahis sans le secours efficace de ses fumigations. Toutes les fois qu’il pleuvait, nous étions sûrs de le voir ; il éprouvait, ces jours-là, un besoin impérieux de me mettre hors de moi-même en piétinant sur les cors de mon esprit boiteux, ou de forcer, en insultant la mémoire d’Hofer et de Guillaume Tell, mistress Crimsworth à évoquer le dragon qu’elle portait dans son sein.

De notre côté, nous allions souvent à Hunsden-Wood, et c’était toujours avec bonheur ; s’il y avait du monde, les personnes que nous y rencontrions nous intéressaient vivement par leur caractère et leurs discours : l’absence de toute passion mesquine, de tout esprit de localité, qui distinguait le maître de la maison et la société d’élite qu’il recevait chez lui, donnait à la conversation un tour plein de grandeur, et, plaçant la pensée au-dessus des intérêts individuels, lui permettait d’embrasser l’humanité tout entière. Hunsden fait d’ailleurs à merveille les honneurs de chez lui ; d’une politesse affable, il a, quand il veut bien s’en servir, une verve inépuisable qu’il met assez volontiers au service de ses hôtes. Le manoir lui-même n’est pas sans intérêt ; les vastes pièces ont un cachet historique ; les corridors sentent la légende ; les chambres à coucher, au plafond bas et aux vitraux en losanges, ont l’air d’être hantées par les habitants de l’autre monde ; leur propriétaire a recueilli dans ses voyages de nombreux objets d’art, distribués avec goût dans ses galeries boisées de chêne, où j’ai vu quelques tableaux et deux ou trois statues que plus d’un noble amateur aurait pu lui envier.

Il arrive souvent à Hunsden, lorsque nous avons dîné chez lui, de nous ramener le soir, et de venir avec nous jusqu’à la maison ; les bois qui entourent sa demeure