Page:Brontë - Le Professeur.djvu/8

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donnée par ses deux nobles frères, qui ne lui pardonnaient point d’avoir épousé un manufacturier. Elle me mit au monde six mois après la mort de mon père, et quitta cette vie au moment où je venais d’y entrer. Il est probable qu’elle ne regretta pas de mourir, car l’existence ne lui promettait ni consolation ni espoir.

La famille de mon père se chargea d’Edouard et m’éleva jusqu’à l’âge de neuf ans. À cette époque, il advint que la représentation d’un bourg important du comté fut vacante et que M. Seacombe se présenta pour l’obtenir ; M. Crimsworth, mon oncle paternel, commerçant plein d’astuce, profita de l’occasion pour écrire au candidat une lettre virulente où il disait nettement que, si M. Seacombe et lord Tynedale ne consentaient pas à faire quelque chose pour les enfants de leur sœur, il dévoilerait publiquement leur impitoyable dureté envers leurs neveux orphelins, et s’opposerait de tous ses efforts à l’élection d’un homme sans cœur. M. Seacombe et lord Tynedale savaient parfaitement que les Crimsworth étaient une race déterminée et peu scrupuleuse ; ils connaissaient en outre leur influence dans le bourg dont ils sollicitaient les suffrages, et, faisant de nécessité vertu, ils se chargèrent de payer les dépenses de mon éducation. C’est alors que je fus envoyé à Eton, où je restai dix ans, pendant lesquels mon frère ne vint pas me voir une seule fois. Il était entré dans le commerce et y avait apporté tant de zèle et de capacité qu’à l’époque où je lui écrivis, c’est-à-dire vers sa trentième année, il marchait rapidement à la fortune : c’est du moins ce que m’avaient appris les lettres fort brèves qu’il m’adressait trois ou quatre fois par an ; lettres qui se terminaient toujours par l’expression de sa haine pour les Seacombe, et où il me reprochait invariablement d’accepter les bienfaits d’une famille aussi odieuse.

Je n’avais pas compris tout d’abord les paroles d’É-