Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/104

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harengs saurs. Je préférerais être fusillée, si cela vous est égal.

— Vous préféreriez être damnée et vous le serez. Il n’y a pas de loi en Angleterre qui empêche un homme de tenir sa maison convenablement et la mienne est abominable ! Ouvrez la bouche.

Il tenait le couteau dans les mains et en poussa la pointe entre mes dents. Mais, pour ma part, je n’étais jamais bien effrayée de ses divagations. Je crachai, affirmant que le couteau avait un goût détestable et que je ne le prendrais sous aucun prétexte.

— Oh ! dit-il en me lâchant, je vois que ce hideux petit gredin n’est pas Hareton. Je vous demande pardon, Nelly. Si c’était lui, il mériterait d’être écorché vif pour ne pas être accouru me dire bonjour et pour hurler comme si j’étais un fantôme. Petit animal dénaturé, viens ici ! Je t’apprendrai à abuser un père au cœur trop tendre. Dites donc, ne croyez-vous pas que ce gamin serait mieux avec les oreilles coupées ? Cela rend les chiens plus féroces, et j’aime la férocité… donnez-moi des ciseaux… la férocité et l’élégance ! Et puis c’est une affectation infernale… une vanité diabolique… de tenir à nos oreilles… nous sommes assez ânes sans elles. Chut ! Enfant, chut ! Bon, bon, mon petit chéri ! Allons, essuie tes yeux… tu es un bijou, embrasse-moi. Quoi ! Il ne veut pas ? Embrasse-moi, Hareton ! Le diable t’emporte, embrasse-moi ! Pardieu, comme si j’allais élever un pareil monstre ! Aussi sûr que je vis, je vais tordre le cou à ce marmot !

Le pauvre Hareton poussait des cris et se débattait de toutes ses forces dans les bras de son père ; il redoubla ses hurlements quand Hindley l’emporta en haut de l’escalier et le tint suspendu par-dessus la balustrade. Je lui criai que la peur allait donner des