Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/11

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de pourceaux possédés du démon[1] ne pouvait avoir en lui de pires esprits que n’en recèlent vos animaux que voilà, monsieur. Autant vaudrait laisser un étranger avec une portée de tigres !

— Ils n’inquiètent pas les gens qui ne touchent à rien, a-t-il remarqué en posant la bouteille devant moi et remettant la table en place. Les chiens font bien d’être vigilants. Un verre de vin ?

— Non, merci.

— Pas été mordu ?

— Si je l’eusse été, j’aurais laissé mon empreinte sur le mordeur.

Un sourire grimaçant a détendu les traits de Heathcliff.

— Allons, allons, vous êtes troublé, Mr Lockwood. Voyons, prenez un peu de vin. Les hôtes sont tellement rares dans cette maison que mes chiens et moi, je le reconnais volontiers, ne savons guère les recevoir. À votre santé, monsieur !

Je me suis incliné en rendant la politesse. Je commençais à m’apercevoir qu’il serait absurde de bouder à cause de la mauvaise conduite d’une bande de méchants chiens. En outre, je n’avais pas envie de continuer à fournir à cet individu de l’amusement à mes dépens ; car c’était le tour que prenait son humeur. Lui, mû probablement par la prudente considération que ce serait folie d’offenser un bon locataire, a atténué un peu le laconisme de son style d’où les pronoms et les verbes auxiliaires étaient exclus, et a entrepris un sujet qu’il supposait devoir m’intéresser, un discours sur les avantages et les inconvénients de mon lieu de retraite actuel. Je l’ai trouvé très informé des questions

  1. Voir Saint-Marc, V, 11 et suiv. (Note du traducteur)