Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/122

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croassa Joseph, qui profita de notre hésitation pour faire intervenir sa mauvaise langue. Si j’étions que d’vous, maître, j’leus y fermerions la porte au nez à tous, tout doucettement et tout simplement ! Vous n’pouvez point vous en aller eune journée sans que c’chat de Linton y vienne s’glisser ici. Et Miss Nelly, en v’là eune belle fille ! E’s’met aux aguets dans la cuisine ; sitôt qu’vous entrez par eune porte, Linton y sort par l’autre ; et alors not’grande dame é va faire sa cour de son côté ! C’t’une jolie conduite, d’rôder dans les champs à ménuit passé, avec c’t affreux démon, c’bohémien Heathcliff ! Y croyent que j’sons aveugle ; mais je n’le sons point, non, point du tout ! J’ons vu l’jeune Linton arriver et partir, et j’vous ons vue (il s’adressait à moi), tous, prop’à rien, sale sorcière ! vous précipiter dans la salle, à la même ménute où qu’vous avez entendu les pas du cheval du maître claquer dessus la route.

— Silence, écouteur aux portes, cria Catherine ; pas de ces insolences devant moi. Edgar Linton est venu hier par hasard, Hindley ; et c’est moi qui lui ai dit de s’en aller, parce que je savais que tu n’aurais pas aimé à le rencontrer dans l’état où tu étais.

— Tu mens, Cathy, sans aucun doute, répondit son frère, et tu es d’une bêtise sans nom. Mais peu m’importe Linton pour le moment : dis-moi, n’étais-tu pas avec Heathcliff la nuit dernière ? Dis-moi la vérité, maintenant. Tu n’as pas à craindre de lui nuire. Quoique je le déteste autant que jamais, il m’a rendu il n’y a pas longtemps un service tel que j’aurais scrupule de lui tordre le cou. Pour ne pas en être tenté, je vais l’expédier à son travail dès ce matin. Quand il sera parti, je vous conseille à tous de faire attention : je n’en aurai que plus d’humeur à votre disposition.