Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/157

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avez perdu la tête ; et si vous croyez que je me laisserai consoler par des paroles mielleuses, vous êtes stupide ; et si vous vous figurez que je souffrirai sans me venger, je vous convaincrai du contraire d’ici fort peu de temps ! En attendant, merci de m’avoir révélé le secret de votre belle-sœur : je jure que j’en tirerai le meilleur parti possible. Et ne vous en mêlez pas !

— Quelle nouvelle face de son caractère est-ce là ? s’écria Mrs Linton stupéfaite. Je vous ai traité d’une manière infernale… et vous voulez vous venger ! Comment vous y prendrez-vous, brute ingrate ? En quoi vous ai-je traité d’une manière infernale ?

— Je ne cherche pas à me venger sur vous, répondit Heathcliff avec moins de véhémence. Ce n’est pas là mon plan. Le tyran opprime ses esclaves et ce n’est pas contre lui qu’ils se tournent : ils écrasent ceux qui se trouvent sous leurs pas. Vous pouvez, pour vous amuser, me torturer jusqu’à la mort, mais permettez-moi de m’amuser un peu, moi aussi, de la même façon, et abstenez-vous de m’insulter, autant que vous en êtes capable. Après avoir rasé mon palais, n’érigez pas une cahute et n’admirez pas complaisamment votre propre charité en me la donnant pour demeure. Si j’imaginais que vous souhaitez réellement de me voir épouser Isabelle, je me couperais la gorge !

— Oh ! le mal vient de ce que je ne suis pas jalouse, n’est-ce pas ? Bon, je ne vous renouvellerai pas mon offre d’une femme : c’est aussi mal que d’offrir à Satan une âme perdue. Votre bonheur, comme le sien, consiste à infliger la souffrance. Vous le prouvez. Edgar est guéri de la mauvaise humeur à laquelle il avait donné cours lors de votre arrivée ; je commence à me sentir en sécurité et tranquille, et vous, ne pouvant supporter de nous savoir en paix, vous paraissez décidé à