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— Vous n’auriez pas dû sortir, dit-elle en se levant pour prendre sur la cheminée deux des boîtes à thé peintes.

Jusqu’alors, elle avait été abritée de la lumière ; maintenant je distinguais nettement sa silhouette et son visage. Elle était élancée, en apparence à peine sortie de l’adolescence ; admirablement faite, et avec la plus exquise petite figure que j’aie jamais eu le plaisir de contempler ; des traits fins, très réguliers ; des boucles blondes, ou plutôt dorées, qui pendaient librement sur son cou délicat ; et des yeux qui eussent été irrésistibles, si l’expression en eût été agréable. Heureusement pour mon cœur sensible, le seul sentiment qu’ils révélaient tenait le milieu entre le dédain et une sorte de désespoir, qu’on était étrangement surpris d’y découvrir. Les boîtes étaient presque hors de sa portée ; je fis un mouvement pour l’aider : elle se tourna vers moi du même air qu’aurait un avare si quelqu’un voulait essayer de l’aider à compter son or.

— Je n’ai pas besoin de votre assistance, dit-elle sèchement, je peux les atteindre toute seule.

— Je vous demande pardon, me hâtai-je de répliquer.

— Vous a-t-on invité à prendre le thé ? demanda-t-elle en attachant un tablier sur sa robe noire très propre. Elle balançait une cuillerée de thé au dessus de la théière.

— J’en prendrai une tasse avec plaisir.

— Vous a-t-on invité ? répéta-t-elle.

— Non, dis-je en souriant à demi. Mais vous êtes tout indiquée pour le faire.

Elle rejeta le thé, la cuiller et tout le reste et se rassit sur sa chaise avec un mouvement de dépit, le