Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/171

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y a mis un piège et les vieux n’osent plus y venir. Je lui ai fait promettre après cela de ne plus jamais tuer un vanneau, et il ne l’a plus fait. Mais en voilà d’autres : A-t-il tué mes vanneaux, Nelly ? Y en a-t-il de rouges parmi eux ? Laissez-moi voir.

— Quittez cette occupation puérile, interrompis-je. Je lui retirai l’oreiller et tournai les trous du côté du matelas, car elle était en train d’enlever l’intérieur à poignées. Couchez-vous et fermez les yeux : vous délirez. En voilà un gâchis ! Le duvet vole partout comme de la neige.

Je le ramassais de tous côtés.

— Je vois en vous, Nelly, continua-t-elle comme dans un rêve, une femme âgée : vous avez les cheveux gris et les épaules courbées. Ce lit est la grotte des fées sous le rocher de Penistone, vous ramassez en ce moment leurs flèches12 pour en percer nos génisses, et vous prétendez, quand je suis près de vous, que ce ne sont que des flocons de laine. Voilà où vous en serez dans cinquante ans d’ici. Je sais que vous n’êtes pas ainsi maintenant. Je ne délire pas, vous vous trompez, car autrement je croirais que vous êtes réellement cette sorcière décharnée et je penserais que je suis sous le rocher de Penistone. Or j’ai conscience qu’il fait nuit et qu’il y a sur la table deux bougies qui font reluire comme du jais l’armoire noire.

— L’armoire noire ? où est-elle ? Vous parlez en dormant.

— Elle est contre le mur, là où elle est toujours. Elle a un aspect étrange, j’y vois une figure !