Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/18

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cer qu’il n’y a aucun espoir de changement pour le moment.

— Je pourrais peut-être trouver parmi vos valets de ferme un guide, qui resterait à la Grange jusqu’à demain… si vous pouviez m’en prêter un ?

— Non, je ne pourrais pas.

— Oh ! vraiment ! Eh bien ! alors, j’en serai réduit à ma seule sagacité.

— Hum !

— Allez-vous faire l’thé ? demanda l’homme à l’habit râpé, détournant de moi son farouche regard pour le diriger sur la jeune femme.

— Faut-il en faire pour lui ? demanda-t-elle en s’adressant à Heathcliff.

— Préparez-le, voulez-vous ? fut la réponse, faite d’une façon si brutale que je tressaillis. Le ton dont ces mots furent prononcés révélait une nature foncièrement mauvaise. Je n’avais plus envie d’appeler Heathcliff un homme admirable.

Quand les préparatifs furent terminés, il m’invita :

— Maintenant, monsieur, avancez votre chaise.

Et tous, y compris le rustique jeune homme, s’approchèrent de la table. Un austère silence régna pendant que nous prenions notre repas.

Je pensai que, si ma présence avait jeté un froid, il était de mon devoir de faire un effort pour le dissiper. Il n’était pas possible que ces gens fussent tous les jours aussi sombres et aussi taciturnes ; il n’était pas possible, si mauvais caractère qu’ils eussent, que cet air renfrogné qu’ils avaient tous fût leur air de tous les jours.

— Il est étrange, commençai-je dans l’intervalle entre une tasse de thé et une autre, il est étrange que l’habitude puisse ainsi façonner nos goûts et nos idées.