Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/209

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— Mais, monsieur, j’espère que vous n’oublierez pas que Mrs Heathcliff est habituée à être soignée et servie, et qu’elle a été élevée comme une fille unique auprès de qui tout le monde s’empressait. Il faut que vous lui permettiez d’avoir une femme de chambre pour tenir tout propre autour d’elle, et il faut que vous la traitiez avec bonté. Quoi que vous pensiez de Mr Edgar, vous ne pouvez douter qu’elle, du moins, ne soit capable d’un attachement profond, car autrement elle n’aurait pas abandonné les élégances, les commodités et les amis de son ancienne demeure pour consentir à s’établir avec vous dans un désert comme celui-ci !

— Elle a abandonné tout cela sous l’empire d’une illusion, répondit-il. Elle a vu en moi un héros de roman et a attendu de ma chevaleresque dévotion une indulgence illimitée. C’est à peine si je puis la regarder comme une créature douée de raison, après l’obstination qu’elle a mise à se forger de moi une idée fabuleuse et à agir d’après les fausses impressions qu’elle se plaisait à entretenir. Mais je crois qu’elle commence enfin à me connaître. Je ne vois plus les sourires niais et les grimaces qui m’agaçaient au début, ni cette incroyable incapacité de s’apercevoir que j’étais sérieux quand je lui donnais mon opinion sur elle et sur son égarement. Il lui a fallu un merveilleux effort de perspicacité pour découvrir que je ne l’aimais pas. J’ai cru un moment que rien ne pourrait lui faire entrer cela dans la tête ! Et encore n’en est-elle pas bien persuadée ; car ce matin, elle m’a annoncé, comme une nouvelle extraordinaire, que j’étais réellement parvenu à me faire haïr d’elle ! Un vrai travail d’Hercule, je vous assure ! Si j’y suis arrivé, j’ai lieu de lui adresser des remerciements.