Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/219

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— Oui, répondit-elle sans détourner les yeux.

Je l’ouvris. C’était un très court billet.

— Maintenant, continuai-je, lisez.

Elle retira la main et laissa tomber le papier. Je le replaçai sur ses genoux et attendis qu’il lui plût d’y jeter les yeux ; mais à la fin, comme elle ne bougeait pas, je repris :

— Dois-je le lire moi-même, madame ? C’est de Mr Heathcliff.

Elle tressaillit ; il semblait que la mémoire lui revînt confusément et qu’elle luttât pour ressaisir ses idées. Elle souleva la lettre et parut la parcourir ; quand elle arriva à la signature, elle soupira. Pourtant je vis qu’elle n’en avait pas saisi le sens, car, lorsque je manifestai le désir de connaître sa réponse, elle me montra simplement du doigt le nom et tourna vers moi des yeux ardents, désolés et interrogateurs.

— Eh bien ! il voudrait vous voir, dis-je, devinant qu’elle avait besoin d’un interprète. Il est dans le jardin en ce moment, impatient de savoir quelle réponse je lui apporterai.

Tout en parlant, j’observais un grand chien couché au soleil sur l’herbe. L’animal dressa les oreilles comme s’il allait aboyer, puis les laissa retomber et indiqua, en remuant la queue, l’approche de quelqu’un qu’il ne considérait pas comme un étranger. Mrs Linton se pencha et écouta en retenant sa respiration. Une minute après, un pas traversa le vestibule. La maison ouverte était pour Heathcliff une tentation trop forte pour qu’il y résistât ; vraisemblablement, il avait supposé que j’étais tentée d’éluder ma promesse et s’était résolu à se fier à son audace. Le regard de Catherine était ardemment tendu vers l’entrée de la chambre. Comme il ne trouvait pas aussitôt la pièce où