Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/231

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en gouttelettes autour de lui. Il avait dû rester longtemps dans cette position, car je remarquai un couple de merles qui passaient et repassaient à trois pieds de lui à peine, occupés à construire leur nid, sans lui prêter plus d’attention qu’à une pièce de bois. Ils s’enfuirent à mon approche ; il leva les yeux et parla :

— Elle est morte ! Je ne vous ai pas attendue pour le savoir. Enlevez ce mouchoir… ne pleurnichez pas devant moi. Le diable vous emporte tous ! Elle n’a pas besoin de vos larmes !

Je pleurais sur lui autant que sur elle : nous éprouvons parfois de la pitié pour des êtres qui ne connaissent ce sentiment ni pour eux-mêmes ni pour les autres. Dès que j’avais regardé son visage, j’avais vu qu’il n’ignorait pas la catastrophe ; comme ses lèvres remuaient et que ses yeux étaient abaissés vers le sol, l’idée folle m’était venue que son cœur était subjugué et qu’il priait.

— Oui, elle est morte, répondis-je en réprimant mes sanglots et en essuyant mes larmes. Elle est allée, je l’espère, au ciel où nous pourrons tous la rejoindre si nous sommes attentifs à quitter les mauvaises voies pour suivre les bonnes.

— Y a-t-elle donc été attentive, elle ? demanda Heathcliff en s’efforçant de ricaner. Est-elle morte comme une sainte ? Allons, faites-moi un fidèle rapport de l’événement. Comment…

Il essaya de prononcer le nom, mais ne put y arriver. Les lèvres serrées, il luttait en silence contre l’angoisse qui l’étreignait et défiait en même temps ma sympathie d’un regard fixe et féroce.

— Comment est-elle morte ? reprit-il enfin, contraint, en dépit de son stoïcisme, de chercher un appui derrière