Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/238

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pas venir implorer son assistance et je ne veux pas non plus lui causer de nouveaux ennuis. La nécessité m’a forcée de chercher un abri ici ; encore, si je n’eusse été certaine de ne pas le rencontrer, me fussé-je arrêtée à la cuisine. Je m’y serais lavé la figure, m’y serais chauffée, vous aurais fait dire de m’apporter ce qu’il me fallait, et je serais repartie pour aller n’importe où, hors d’atteinte de mon maudit… de ce démon incarné ! Ah ! il était dans une telle fureur ! S’il m’avait attrapée ! C’est bien dommage qu’Earnshaw ne soit pas son égal en force. Je ne me serais pas sauvée avant de l’avoir vu à peu près assommé, si Hindley eût été de taille à me donner ce spectacle !

— Voyons, ne parlez pas si vite, Miss, interrompis-je. Vous allez déranger le mouchoir dont je vous ai entouré la figure et votre entaille va recommencer à saigner. Buvez votre thé, reprenez haleine, et cessez de rire : le rire est tristement déplacé sous ce toit, et dans votre état !

— Vérité incontestable. Écoutez cet enfant ! Il crie sans arrêter… renvoyez-le pour une heure afin que je ne l’entende pas ; je ne resterai pas plus longtemps.

Je sonnai et remis le bébé à une servante. Puis je m’informai du motif qui l’avait poussée à s’échapper de Hurle-Vent dans un si pitoyable état, et de l’endroit où elle avait l’intention d’aller, puisqu’elle refusait de rester avec nous.

— Je devrais et je voudrais rester, répondit-elle, pour réconforter Edgar et prendre soin du bébé, d’abord, et ensuite parce que la Grange est mon vrai foyer Mais je vous dis qu’il ne me le permettrait pas. Croyez-vous qu’il supporterait de me voir engraisser, devenir gaie… qu’il supporterait la pensée que nous sommes tranquilles