Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/243

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Earnshaw obéit avant que son hôte eût atteint le devant de la maison. Puis il avança sa chaise de l’autre côté de ma table et se pencha, cherchant dans mes yeux de la sympathie pour la haine brûlante qui jaillissait des siens. Comme il avait l’aspect et les sentiments d’un assassin, ce n’est pas exactement ce qu’il y trouva ; mais ce qu’il y découvrit suffit pour l’encourager à parler.

— Vous et moi, dit-il, avons l’un et l’autre un grand compte à régler avec cet homme ! Si nous n’étions lâches ni l’un ni l’autre, nous pourrions nous unir pour en finir. Êtes-vous aussi faible que votre frère ? Endurerez-vous tout jusqu’au bout, sans jamais essayer de le lui faire payer ?

— Je suis lasse maintenant d’endurer, répondis-je, et je serais heureuse de trouver une vengeance qui ne retombât pas sur moi-même. Mais la traîtrise et la violence sont des lances à deux pointes ; elles blessent ceux qui y ont recours plus grièvement que leurs ennemis.

— La traîtrise et la violence sont la juste récompense de la traîtrise et de la violence ! s’écria Hindley. Mrs Heathcliff, je ne vous demande que de rester immobile et muette. En êtes-vous capable, dites ? Je suis sûr que vous auriez autant de plaisir que moi à assister à la fin de l’existence de ce démon. C’est la mort qui vous attend si vous ne prenez pas les devants, et pour moi c’est la ruine. Le diable emporte cet infernal coquin ! Il frappe à la porte comme s’il était déjà le maître ici ! Promettez-moi de vous taire, et avant que l’horloge sonne — il est une heure moins trois minutes — vous serez délivrée !

Il tira de sa poitrine l’arme que je vous ai décrite dans ma lettre et essaya d’éteindre la chandelle.