Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/259

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cette affaire c’était de sa poche que sortait l’argent. Son attitude resta froide, indifférente, n’indiquant ni joie ni chagrin ; si l’on pouvait y lire quelque chose, c’était la cruelle satisfaction d’avoir réussi une besogne difficile. Je remarquai cependant une fois sur sa figure une expression qui ressemblait à de l’exultation : ce fut à l’instant que le cercueil sortit de la maison. Il eut l’hypocrisie de se mettre en deuil. Avant de suivre le convoi avec Hareton, il fit monter sur la table le malheureux enfant et murmura, avec une singulière jouissance :

— Maintenant, mon petit gars, tu es à moi ! Et nous verrons bien si un arbre ne pousse pas aussi tordu qu’un autre quand le même vent les courbe !

Le naïf petit être écouta ces paroles avec plaisir ; il jouait avec les moustaches de Heathcliff et lui tapotait la joue. Mais moi, je compris ce qu’il voulait dire et j’observai sèchement :

— Cet enfant doit retourner avec moi à Thrushcross Grange, monsieur. Il n’y a rien au monde qui vous appartienne moins que lui.

— Linton l’a-t-il dit ? demanda-t-il.

— Sans doute… il m’a ordonné de le ramener, répondis-je.

— Bien, dit le coquin, nous ne discuterons pas cette question pour le moment. Mais j’ai envie de m’essayer à élever un enfant. Par conséquent, vous déclarerez à votre maître que, s’il cherche à m’enlever celui-ci, je me verrai obligé de le remplacer par le mien. Je ne m’engage pas à laisser partir Hareton sans contestation ; mais je vous certifie que je ferai venir l’autre. N’oubliez pas de le lui dire.

Cette menace suffisait à nous lier les mains. J’en fis part en revenant à Edgar Linton qui, s’étant peu intéressé