Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/288

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à demi la signification des paroles de son père et ne savait pas bien s’il en était l’objet ; à vrai dire, il n’était pas encore certain que cet étranger rébarbatif et sarcastique fût son père. Mais il s’accrochait à moi avec une terreur croissante ; et, comme Mr Heathcliff avait pris un siège et lui avait dit : « viens ici », il se cacha le visage sur mon épaule et pleura.

— Assez ! assez ! dit Heathcliff.

Il étendit le bras, attira brutalement l’enfant entre ses genoux, puis lui tint la tête haute en le prenant sous le menton.

— Pas de ces sottises ! Nous n’allons pas t’avaler, Linton… n’est-ce pas là ton nom ? Tu es bien le fils de ta mère ! Par où tiens-tu de moi, poulet piailleur ?

Il enleva la casquette de l’enfant, repoussa ses épaisses boucles blondes, tâta ses bras grêles et ses doigts effilés. Pendant cet examen, Linton avait cessé de pleurer et levait ses grands yeux bleus pour inspecter son inspecteur.

— Me connais-tu ? demanda Heathcliff, après s’être convaincu que ses membres étaient tous également frêles et faibles.

— Non, dit Linton dont le regard refléta une peur irraisonnée.

— Tu as entendu parler de moi certainement ?

— Non, répéta-t-il.

— Non ! Quelle honte pour ta mère de n’avoir jamais éveillé en toi la piété filiale à mon égard ! Eh bien ! tu es mon fils, je te l’apprends ; et ta mère a été une drôlesse de te laisser dans l’ignorance de ce qu’était ton père. Allons, ne regimbe pas et ne rougis pas ! bien que ce soit déjà quelque chose de voir que ton sang n’est pas blanc. Sois bon garçon et nous nous entendrons. Nelly, si vous êtes fatiguée, vous pouvez vous asseoir ;