Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/307

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Linton. Mais le lendemain elle raconta tout, à mon grand ennui. Pourtant, je ne le regrettais qu’à demi : je pensais que la charge de la diriger et de la mettre en garde serait exercée d’une manière plus efficace par son père que par moi. Mais, quand il lui exprima le désir de la voir éviter toute relation avec les habitants des Hauts, il montra trop de timidité à lui donner des raisons satisfaisantes, et Catherine tenait à ce qu’on lui fournît de bonnes raisons quand on voulait faire obstacle à sa volonté d’enfant gâtée.

— Papa ! s’écria-t-elle dès le matin après l’avoir embrassé, devinez qui j’ai vu hier dans ma promenade sur la lande. Ah ! papa, vous tressaillez ! Vous avez donc eu tort, n’est-ce pas ? J’ai vu… mais écoutez et vous saurez comment j’ai tout découvert. Et Hélène, qui est liguée avec vous, elle faisait pourtant semblant de me plaindre quand je continuais, malgré mes perpétuelles déceptions, d’espérer le retour de Linton !

Elle fit un récit fidèle de son excursion et de ses suites. Mon maître, bien qu’il me lançât plus d’un regard de reproche, ne dit rien jusqu’à ce qu’elle eût fini. Il l’attira alors à lui, et lui demanda si elle savait pourquoi il lui avait caché le voisinage de Linton. Pouvait-elle penser que ce fût pour lui refuser un plaisir dont elle aurait pu jouir sans danger ?

— C’est parce que vous n’aimez pas Mr Heathcliff.

— Alors tu crois que j’ai souci de mes propres sentiments plus que des tiens ? Non, ce n’est pas parce que je n’aime pas Mr Heathcliff, mais parce que Mr Heathcliff ne m’aime pas ; et parce que c’est un homme diabolique, qui met sa joie à nuire à ceux qu’il hait et à travailler à leur perte, s’ils lui en fournissent la moindre occasion. Je savais que tu ne pourrais conserver de relations avec ton cousin sans entrer en rapport avec lui,