Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/312

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comme le voulait l’âge de l’auteur, mais qui contenaient pourtant çà et là des touches qui me parurent avoir été empruntées d’une main plus expérimentée. Certaines d’entre elles me frappèrent comme des composés bizarres d’ardeur et de platitude ; elles commençaient par l’expression d’un sentiment puissant et finissaient dans le style affecté et diffus qu’un écolier pourrait employer en s’adressant à une bien-aimée imaginaire, immatérielle. Ces lettres avaient-elles ou non satisfait Catherine, je n’en sais rien ; quant à moi, elles me firent l’effet d’un verbiage insignifiant. Après en avoir parcouru autant que je le jugeai nécessaire, j’attachai le tout dans un mouchoir que je mis de côté et je refermai le tiroir vide.

Suivant son habitude, ma jeune maîtresse descendit de bonne heure et entra dans la cuisine. Je la vis aller à la porte, quand arriva certain petit garçon. Pendant que la fille de la laiterie lui remplissait son pot, Catherine lui fourra quelque chose dans la poche de sa veste, et en retira quelque chose. Je fis le tour par le jardin et guettai le passage du messager, qui lutta vaillamment pour défendre son dépôt ; le lait se répandit entre nous deux, mais je réussis à lui arracher l’épître. Après lui avoir fait de sérieuses menaces en cas qu’il ne rentrât vite chez lui, je restai à l’abri du mur pour parcourir la tendre composition de Miss Cathy. Elle était plus simple et plus éloquente que celle de son cousin : très gentille et très sotte. Je secouai la tête et rentrai pensive dans la maison. La journée était pluvieuse, Catherine ne put se divertir dans le parc ; aussi, quand elle eut terminé ses études matinales, eut-elle recours à la consolation du tiroir. Son père était assis près de la table et lisait ; et moi, à dessein, j’étais venu travailler à quelques franges décousues aux rideaux de la fenêtre,