Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/323

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— Je jure que Linton est mourant, répéta Heathcliff en me lançant un regard sévère. Le chagrin et le désappointement précipitent sa fin. Nelly, si vous ne voulez pas la laisser y aller, vous pouvez y aller vous-même. Mais je ne serai pas de retour avant huit jours ; et je crois que votre maître ne ferait guère d’objections à ce qu’elle rendît visite à son cousin.

— Venez, dis-je en prenant Cathy par le bras et en la forçant presque de rentrer ; car elle hésitait, examinant avec des yeux troublés les traits de son interlocuteur, trop impassibles pour déceler sa supercherie.

Il poussa son cheval près d’elle et, se penchant, ajouta :

— Miss Catherine, je vous avouerai que j’ai peu de patience avec Linton ; Hareton et Joseph en ont encore moins. Je vous avouerai qu’il est dans un milieu plutôt rude. Il a soif de tendresse, aussi bien que d’amour ; un mot affectueux de votre part serait pour lui le meilleur remède. N’écoutez pas les cruels avis de Mrs Dean ; soyez généreuse et trouvez moyen de le voir. Il rêve de vous nuit et jour, et ne peut se laisser persuader que vous ne le haïssez pas, puisque vous n’écrivez ni ne venez.

Je fermai la porte et roulai une pierre devant pour aider la serrure branlante à la maintenir. Puis, ouvrant mon parapluie, j’attirai Catherine dessous, car la pluie commençait à percer à travers les branches gémissantes et nous avertissait de ne pas perdre de temps. Notre hâte empêcha tout commentaire sur la rencontre avec Heathcliff pendant que nous nous dirigions à grands pas vers la maison ; mais je devinai instinctivement que le cœur de Catherine était voilé maintenant d’une double obscurité. Ses traits étaient empreints d’une telle tristesse qu’ils ne semblaient plus être