Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/366

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

observations qui lui échappèrent. C’était que, si son neveu lui ressemblait physiquement, il devait aussi lui ressembler moralement ; car les lettres de Linton ne fournissaient que peu ou pas d’indices des défauts de son caractère. Et moi, par une faiblesse excusable, je m’abstins de redresser son erreur. Je me demandais quel bien il y aurait à troubler ses derniers moments par une information qu’il n’aurait ni le pouvoir ni l’occasion de mettre à profit.

Nous différâmes notre excursion jusqu’à l’après-midi : une après-midi dorée d’août ; chaque souffle qui venait des hauteurs était si plein de vie qu’il semblait que celui-ci qui le respirait, fût-il mourant dût revivre. Le visage de Catherine était exactement semblable au paysage, les ombres et, les rayons de soleil s’y succédaient avec rapidité ; mais les ombres y restaient plus longtemps, les rayons de soleil y étaient plus fugitifs, et son pauvre petit cœur se reprochait même ces oublis passagers de ses soucis.

Nous aperçûmes Linton qui nous attendait au même endroit qu’il avait choisi la fois précédente. Ma jeune maîtresse mit pied à terre et me dit que, comme elle était résolue de ne s’arrêter que fort peu de temps, je ferais mieux de tenir le poney en restant à cheval. Mais je refusai : je ne voulais pas courir le risque de perdre de vue une minute l’objet de ma surveillance. Nous montâmes donc ensemble la pente couverte de bruyères. Master Heathcliff nous reçut cette fois avec plus d’animation. Mais ce n’était l’animation ni de l’entrain ni de la joie : elle ressemblait plutôt à de la peur.

— Il est tard ! dit-il d’une voix entrecoupée et pénible. Votre père n’est-il pas très malade ? Je pensais que vous ne viendriez pas.