Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/41

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billons furieux, parvenant même jusqu’à moi et éteignant ma lumière.

Il y avait une telle angoisse dans l’explosion de douleur qui accompagnait ce délire que la compassion m’a fait oublier sa folie. Je me suis éloigné, à moitié fâché d’avoir écouté, si peu que ce fût, et regrettant d’avoir raconté mon ridicule cauchemar, qui avait déterminé cette crise, bien que je ne pusse comprendre pourquoi. Je suis descendu avec précaution dans les régions inférieures et ai atterri dans la cuisine, où quelques tisons que j’ai rassemblés avec soin m’ont permis de rallumer ma chandelle. Rien ne bougeait, sauf un chat gris moucheté, qui est sorti lentement des cendres et m’a salué d’un miaulement plaintif.

Deux bancs en forme d’arcs de cercle entouraient presque complètement le foyer ; je me suis allongé sur l’un et Grimalkin[1] a grimpé sur l’autre. Nous commencions à nous assoupir tous deux quand quelqu’un a envahi notre retraite ; c’était Joseph qui descendait péniblement une échelle de bois dont le haut disparaissait dans le plafond, à travers une trappe : l’entrée de son galetas, je suppose. Il a jeté un regard sinistre sur la petite flamme que j’avais réussi à ranimer entre les barreaux cintrés de la grille du foyer, a chassé le chat de son poste élevé, s’est installé à sa place et s’est mis à bourrer une pipe de trois pouces. Ma présence dans son sanctuaire était évidemment considérée comme une impudence trop éhontée pour être relevée : il a appliqué silencieusement le tuyau à ses lèvres, s’est croisé les bras et a envoyé des bouffées en l’air. Je l’ai laissé savourer sa volupté sans le troubler. Après avoir lancé sa dernière bouffée et poussé un profond

  1. Équivalent de Rominagrobis en français. (Note du traducteur.)