Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/459

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l’eau à se reposer quand il est à longueur de bras de la rive ! Il faut que je l’atteigne d’abord, et alors je me reposerai. Soit, ne parlons plus de Mr Green. Quant à me repentir de mes injustices, je n’ai pas commis d’injustices et je ne me repens de rien. Je suis trop heureux ; et cependant je ne suis pas encore assez heureux. La béatitude de mon âme tue mon corps, mais ne se satisfait pas elle-même.

— Heureux, maître ? Étrange bonheur ! Si vous vouliez m’écouter sans vous fâcher, je pourrais vous donner un conseil qui vous rendrait plus heureux.

— Quel est-il ? Donnez-le.

— Vous n’ignorez pas, Mr Heathcliff, que depuis l’âge de treize ans vous avez mené une vie égoïste et peu chrétienne ; il est probable que, durant toute cette période, vous n’avez pour ainsi dire jamais tenu une Bible entre vos mains. Vous devez avoir oublié ce qu’il y a dans ce livre, et vous n’avez peut-être pas le temps de l’y rechercher. Quel inconvénient y aurait-il à envoyer quérir quelqu’un — un ministre d’une secte quelconque, peu importe laquelle — pour vous l’expliquer, vous montrer combien vous vous êtes écarté de ses préceptes et combien vous seriez indigne de son ciel, si un changement ne se produit pas en vous avant votre mort ?

— Je ne suis pas fâché et vous suis plutôt obligé, Nelly, car vous me faites penser à la manière dont je désire être enterré. Je veux être porté au cimetière le soir. Hareton et vous pourrez, si vous voulez, m’accompagner : faites tout particulièrement attention que le fossoyeur suive mes instructions au sujet des deux cercueils ! Il n’est besoin d’aucun ministre ni d’aucune parole prononcée sur ma tombe. Je vous dis que j’ai presque